Estampillage, Poinçonnage des Casseroles en Cuivre.

 

23 septembre 2016

Beaucoup d'erreurs et d'incompréhensions tournent autour de ce sujet.
Voici les choses importantes que vous devez savoir avant de parler réellement des estampillages des pots en cuivres.

Revenons sur un peu d'histoire de la chaudronnerie française. Et nous allons voir de quelle manière Paris a protégé au plus haut point ses corporations de métiers.

Dès le début du 14eme siècle on établit des corporations de métiers.
Dans les années 1320 sont établit les premiers statuts des chaudronniers.
On découvre qu'une hiérarchie est mise en place avec dans l'ordre : le maitre chaudronnier, les ouvriers et les apprentis.
100 ans plus tard,  en 1420, on comprends très vite que ces circuits de fabrication et de commerce sont très protectionnistes. Des nouveaux statuts sont ajoutés dans la corporation des chaudronniers.
Pour devenir maitre chaudronnier, il faut réaliser une fabrication, qui est appelée "chef-d’œuvre" devant des jurés faisant partie de la corporation (ce travail dure 15 jours et doit être réalisé chez un des jurés).
Cet acte n'est pas gratuit. Le futur maitre chaudronnier doit payer sa maitrise et en plus il doit verser une taxe à la corporation, une autre taxe pour le roi et également une taxe pour les jurés (et en plus il doit laisser son "chef d’œuvre" aux jurés !).
Si celui qui veut passer une maitrise de chaudronnier vient de l’extérieur de la ville, il doit payer encore plus cher !
Les apprentis désireux de devenir maitre doivent avoir fait 6 ans d'apprentissage avant de présenter leur "chef-d’œuvre".

A la fin du 15eme siècle, le protectionnisme se renforce d'avantage. Les chaudronniers venant de l’extérieur n'ont pas le droit de vendre à des particuliers. Leur marchandise doit être vendue uniquement en gros. Et seulement à des maitres chaudronniers.
Au début du 16eme siècle, les status sont renforcés avec le fait qu'aucune mauvaise marchandise ne peut entrer dans Paris. De plus, les marchandises venant de l’extérieur sont toujours supervisées par les maitres chaudronnier de Paris et ils sont les seuls à pouvoir revendre ce matériel.
Le maitre chaudronnier qui a acquis le matériel ne peut revendre qu'à un autre maitre chaudronnier.
Au milieu du 16eme siècle, un nouveau statut interdit aux quincaillers, merciers, ferrailleurs, ferronniers, fripiers etc... de faire le commerce des produits fabriqués par les chaudronniers. Le brevet de maitrise étant obligatoire dans ce métier.

Au milieu du 17eme siècle, un peu de souplesse arrive enfin ! Les chaudronniers d'Auvergne, qui exerce souvent un métier de paysan pendant les périodes de beaux temps et partent pour Paris pendant la saison froide, ont enfin acquis quelques droits. Ils sont autorisés à faire l'étamage et la vente dans Paris. Mais sous certaines conditions ! L'étamage doit se faire dans la maison du client (ou devant sa porte) et la vente concerne uniquement le matériel d'occasion.

Au 18eme siècle, dans les années 1730, les chaudronniers obtiennent plus de facilités pour acheter aux fondeurs et taillandiers les matériaux en fonte ou en fer qui servent à leur fabrication. Et ils peuvent également revendre ce matériel en gros ou en détail. Les merciers obtiennent également le droit de vendre des produits venant de la chaudronnerie mais en quantité limité à la fois.
On voit ici le début d'une certaine liberté de travail qui n'existait pas durant les 4 siècles passés !
Cette année 1731 nous apprend que les chaudronniers sont tenus d'appliquer leur initiales sur les objets fabriqués contenant en même temps du cuivre et du plomb. Ils doivent également marquer la quantité des métaux utilisés.

En 1735, un nouveau statut établit la nomination de 12 jurés pour délivrer la maitrise de chaudronnerie. Ces jurés devront tenir un registre et superviser l'ouverture de nouvelles boutiques.
Les fripiers gagnent à leur tour le droit de vendre du matériel de chaudronnerie. A condition de ne pas les étaler ni les exposer en boutique. Il est interdit pour eux de vendre des produits neufs et ils doivent tenir un registre contenant le nom des particuliers qui leur ont vendus ce matériel.
Les chaudronniers de l’extérieur de Paris et des ses faubourgs n'ont pas le droit d'emporter le matériel à réparer chez eux. Le travail doit être fait sur place.

Cette année 1735 est importante dans l'histoire des cuivres culinaires.
Tous corps de métiers qui vends de la chaudronnerie plaquée avec du plomb a reçu un délais de 6 mois pour éliminer ce plomb et le remplacer par un étamage ou autre systeme qui le rend propre pour la santé publique.
En plus, les chaudronniers en possession de tels matériaux doivent les faire estampiller avec un poinçon personnel.
Ce poinçon doit également être déposé sur une plaque de cuivre gardée au sein de la corporation. Il servira a prouvé l'appartenance de tel ou tel objet en cas de problème du non respect du nouveau règlement.

VOUS DEVEZ BIEN COMPRENDRE que tout ce que vous avez lu jusqu'à présent ne veut pas dire que Paris est enfermée en fournissant aux parisiens uniquement ce qu'elle produit.
Ça signifie que Paris a en quelque sorte le monopole du commerce pour ce qu'elle produit mais également sur ce que le reste de la France (et de l'étranger) produit. Seuls les corporations parisiennes peuvent faire un réel commerce de toutes choses dans Paris. Pour ses produits.... et ceux des autres !!!

Nous avons donc passé prés de 400 ans avec un systeme sans réel concurrence. Enfermé sur lui même et on peut presque dire sans grande nouveauté. Les batteries de cuisine, les fourneaux n'ont pas réellement beaucoup évolué (en comparaison de la période couverte).

La fin du 18eme siècle et le début du 19eme siècle marque une grande page de l'histoire des cuivres culinaires et de la cuisine française.

CECI POUR 2 RAISONS.

La première raison est la révolution française en 1789 et j'y reviendrai un peu plus bas.
La seconde raison :
En 1791, la loi ALLARDE de mars 1791 dissout les corporations (en réalité il ne fait que reconduire l'édit de TURGOT de 1776 qui avait été annulé quelques mois après sa création). Les lois LE CHAPELIER de juin 1791 viennent définitivement conclure les éléments suivants :
- Toutes personnes désireuses de créer un commerce ou de se lancer dans une profession pourra le faire.
- Peut importe ses titres et sa condition de vie.
- Aucun trouble ni pression ne sera toléré sur ces nouveaux commerçants (avertissement indirect aux anciens des corporations)
- L’accès au commerce et à l'industrie en France est déclaré libre.
- Une même personne pourra exercer plusieurs métiers si elle le désire.
- La déclaration et l'obtention d'une patente est obligatoire. Il faut respecter le règlement de police affilié au métier choisi.
En dehors de ceci, il ne reste plus qu'à travailler, développer ses idées, entreprendre, avancer, évoluer, innover, investir. En bref, toutes ces choses qui paraissaient presque impensables avant pour beaucoup de gens !

A partir de là il suffit d'imaginer les innombrables possibilité qui s'offrent à ceux qui ont de l'argent, ceux qui ont des idées. Jusqu'à cette date, même avec de l'argent et des idées, on ne pouvait pas être chaudronnier ni même travailler dans de nombreux autres métiers.

Une nouvelle ère s'offre aux audacieux ! Et cette période de 1790 à environ 1820 sera un nouveau départ pour les cuivres culinaires et la cuisine française.

Je reviens sur la révolution française pour quelques lignes et pour vous expliquer son importance dans la cuisine française.
NAPOLÉON 1er, malgré le fait qu'il ne soit pas un grand gastronome, a tout de même compris qu'une bonne table est un atout important dans la diplomatie. Savoir bien recevoir ses invités est une chose capitale dans les négociations.
Ainsi, en 1803, à l'aide de son ministre des affaires étrangères, TALLEYRAND, il installe au château de Valençay dans l'Indre, ce qui deviendra le lieu de réception des invités et haut dignitaires étrangers.
Des le début, TALLEYRAND fait appel à Antoine CARÊME.
Les talents de chacun feront vite la réputation de la cuisine française à travers le monde.
A leur première rencontre, TALLEYRAND demande à CARÊME de préparer 365 jours de menus sans jamais se répéter et en plus avec des produits de saisons. Quand on sait ce qu’était un menu à cet époque, je vous prie de croire qu'aujourd'hui ce serait difficilement réalisable !

Après la chute de NAPOLÉON 1er,  le besoin de remettre les choses en ordre en Europe est venu.
Un congrès a lieu à Vienne en Autriche. Et c'est TALLEYRAND qui représente la France.
Ce congres qui va durer de septembre 1814 à juin 1815 verra passer des personnalités de nombreux pays. 15 membres des familles royales, plus de 200 princes, plus de 200 diplomates. Il y a également des groupes tels que les représentants des chevaliers de maltes, les abolitionnistes de l'esclavage, les représentants des juifs allemands et de nombreux autres groupes.
Et pendant ces longs mois, Talleyrand à l'aide de la magie CARÊME, vont nourrir tout ce monde venu d'Allemagne, d'Autriche, d'Angleterre, de Russie, du Portugal, d'Espagne, de Suède...
Et une fois de plus, on ne peut pas imaginer les plats qui étaient présentés aux convives. Je crois qu'aujourd'hui ce serait quelque chose d'inconcevable même pour les tables les plus riches.
Ce savoir-faire existe-il encore aujourd'hui quelque part ?
C'est difficile d'imaginer qui était Antonin CARÊME et le rôle qu'il a joué dans la gastronomie française.
Je reviendrai dans un autre sujet (que je n'ai pas terminé pour le moment) sur les grands noms qui ont fait la cuisine française au cours des siècles. Et Antonin CARÊME tient certainement la première place pour l'homme, le cuisinier, le gastronome et l'auteur qu'il était.

Voila donc qu'en l'espace de 25 ans (1790-1815), nous avons droit à une révolution qui libère la possibilité pour n'importe qui de créé un commerce de chaudronnerie, de restaurant ou de tout ce qui est lié à la cuisine de prés ou de loin.
Et en plus nous avons une publicité internationale gratuite qui va mettre en avant la cuisine française et également les fabricants de cuivre culinaires par intermédiaire de Napoléon 1er - Talleyrand - Carême.

Avec tout ceci, le marché va se développer à grande vitesse tout au long du 19eme siècle. Le développement des lignes de chemins de fer pendant cette même période jouera un rôle important dans le développement du commerce.  

Je repars maintenant sur la route des cuivres culinaires et les estampillages.
Nous sommes donc à la fin des années 1700, début 1800 et on ne peut pas dire que la place de l'estampillage sur les pots en cuivre soit importante.
De plus en plus d'entreprises sont créés mais l'estampillage de la part des fabricants ne semble pas une priorité.

J'en profite pour vous préciser que je vois souvent des annonces de ventes qui propose des pots en cuivre du 17eme et 18eme siècle.
Méfiez-vous de ces annonces car ces pots sont très rares, presque introuvables.
Et si c’était le cas, ces pots n'auraient pas grande utilité dans nos cuisines aujourd'hui. En effet, ils ne ressemblent pas vraiment aux pots du 19eme siècle dont on peut encore se servir aujourd'hui.

On trouvera plus facilement (au moins en photos sur internet) des estampillages de la première partie du 19eme siècle consacré aux grandes cuisines (royales, bourgeoises) que des estampillages de fabricants.

En effet, il faut savoir que la batterie de cuisine dans ces endroits (maisons "bourgeoises" et dans les cuisines de châteaux) est très imposante.
C'est nécessaire d'avoir toutes les sortes de pots en cuivre. Dans toutes les dimensions. Il y avait également les pots en cuivre fait sur mesure qui sont des pièces rare et de toute beauté ! Souvent impressionnantes !
Très peu de gens en ont déjà vu.
Voici un exemple que j'ai eu l'occasion de vendre GROS BAIN
Mais ceci ne suffisait pas.
C'est inimaginable de penser qu'il pourrait manquer un pot dans la conception d'un repas de grande réception !
Donc certains pots devaient être disponible en plusieurs exemplaires. A la fois pour préparer les repas mais également parce que l'étamage était une chose régulière et très souvent certains pots étaient en réparation.

La suite arrive bientot...