Le tour a une importance capitale dans l'histoire de l'industrie et de l'artisanat. Tout simplement parce que c'est grâce à lui qu'on a construit énormément d'outils.

Il ne faut garder à l'esprit qu'il a servi uniquement à fabriquer des poteries ou de beaux ornements en bois.
En fabricant des outils, on a pu fabriquer d'autres types de tours et en fabricants d'autres types de tours on a pu fabriquer d'autres types d'outils, etc...
Et quand l'homme a su maitriser le fer, l'acier, la fonte, le tour est devenu une machine importante dans tout bon atelier.
Les idées pour faire tourner un tour n'ont jamais manquées, de même que pour lui donner la force de faire des travaux lourds. Pour tourner de façons manuelles ou à pied, par toutes sortes d'ingéniosités. Puis par la force vapeur, hydraulique, électrique.
Lui donner de la force quand c'était nécessaire se fait par des systèmes de poulies et d'engrenages, sans oublier la force humaine.  
Si le tour avait, à une période, une certaine polyvalence de fabrication permettant de faire toutes sortes de travaux, il est vite devenu une machine à fabriquer uniquement ceci ou cela. Se transformant en une multitude de machines spécialisées pour un type précis de fabrication.

 

Nous allons maintenant faire un parallèle entre la seconde partie du 19eme siècle et notre époque moderne.
Bulletin du musée de l'industrie, Jobard, 1858 :
Commençons par 1858. Tout en comprenant que ces écrits datent de 1858, on comprendra que ces techniques datent bien évidement d'avant cette date.
Voici la description du polissage et du nettoyage du cuivre.
Nous comprendrons dans ce descriptif qu'une pièce de cuivre formée au tour comporte des traces de ce travail et que les moyens d'éliminer ces traces pour donner un bel aspect brillant et lisse au cuivre ne sont pas compliqués :


"Soit que les ouvrages métalliques aient été terminés à l'aide de la lime, soit qu'ils aient reçu leurs formes sur le tour (donc, on lit bien ici que grâce au tour on peut donner une forme au métal), on est dans l'usage de leur faire subir une dernière préparation destinée à leur communiquer tout le brillant et l'éclat qu'ils sont susceptibles d'acquérir. Cette opération se nomme le poli, elle présente une certaine analogie avec les méthodes usitées pour polir les bois concernant la main-d'œuvre, mais elle en diffère essentiellement quant aux substances à employer. On comprend en effet que ces dernières doivent être assez dures et assez mordantes pour entamer les métaux, car tout poli suppose nécessairement l'action d'user. Les substances les plus généralement employées sont : l'émeri, la pierre du Levant réduite en poudre, et le rouge d'Angleterre, quand il s'agit de polir le fer. Pour le cuivre, on se sert des pierres à l'eau, de la pierre ponce, du charbon, du tripoli et de la terre pourrie.
L'émeri est une substance minérale très connue, et d'une telle dureté, qu'elle use tous les métaux et même l'acier trempé. Il en existe dans le commerce de toutes les grosseurs, depuis l'émeri en grains jusqu'à celui qui est employé à polir l'acier, les glaces et les verres d'optique. On nomme pierre du Levant une espèce de grès calcaire qui nous vient de Turquie. Le colchotarou rouge d'Angleterre, n'est autre chose qu'un oxyde de fer d'une belle couleur rouge. Il en existe de plusieurs degrés de dureté. Le plus doux est employé dans l'orfèvrerie et la bijouterie. Les espèces les plus dures servent à polir les pivots d'horlogerie. Les pierres à l'eau employées à polir le cuivre présentent une assez grande analogie avec l'ardoise, mais elles sont d'une nature plus siliceuse que cette dernière. Tout le monde connait la substance minérale qui a reçu le nom de tripoli, mais on ignore assez généralement qu'elle parait composée de myriades de petits coquillages fossiles.

S'il s'agissait de polir une pièce tournée, on y parviendrait beaucoup plus promptement et plus facilement, car on pourrait s'aider du mouvement de rotation du tour, qui éviterait l'ennui et la fatigue d'un mouvement prolongé. On prendrait alors deux planchettes de bois tendre imbibées d'huile et d'émeri et les empoignant par chaque bout, on serrerait la pièce entre deux, puis les promenant en tous sens, on obtiendrait sans peine un fort beau poli. Pour les parties arrondies, on se servira d'un morceau de bois aplati par le bout. Les angles rentrants seront polis avec une planchette assez mince pour y pénétrer. En un mot, on devra toujours adopter des polissoirs de forme appropriée aux moulures qui peuvent se rencontrer sur l'ouvrage. La première méthode que nous avons indiquée pour polir le fer travaillé à la lime est tellement longue, qu'on a dû rechercher les moyens d’abréger la main-d’œuvre. On y est parvenu en employant pour polir une série de meules garnies d’émeri, qui, par une rotation rapide, communiquent en fort peu de temps un très-beau poli aux ouvrages, pourvu toutefois que leurs formes puissent se prêter à ce genre de travail.

 

Le cuivre, en raison de sa moindre dureté, se polit beaucoup plus facilement que le fer et l'acier. On commence par l'adoucir au moyen des pierres à l'eau de différent grain. On y passe ensuite un charbon également à l'eau et lorsque la surface commence à se bien polir, on continue avec des morceaux de bois tendre enduits d'huile et de pierre-ponce ou de tripoli. On termine enfin avec la terre pourrie, d'abord à l'huile, puis à sec.
Le poli des ouvrages tournés est encore plus facile et plus expéditif, car le cuivre sort pour ainsi dire, poli de dessous l'outil. Et pour achever de les rendre brillants, il suffit la plupart du temps de les frotter pendant quelques minutes, sans les ôter du tour, avec un linge imbibé d'huile et garni de tripoli ou de terre pourrie."

 

Annales Industrielles, Frédureau & Cie, 1892 :

Prenons maintenant les explications concernant le métier de tourneur-repousseur en 1892.
Je ferais la même remarque que précédemment, les écrits datent de 1892 mais ce qu'on y décrit et bien évidement plus ancien :

"Tournure : La tournure comprend deux branches principales, la tournure sur cuivre et le repoussage. La pièce en cuivre à tourner doit être fixée dans la pièce en bois ou mandrin destinée à la recevoir, et cela sans dégrader ces mandrins qui sont d'un certain prix. Il faut, avant d'attaquer cette pièce à l'outil, que celle-ci tourne bien rond. La surface du métal sera alors attaquée en tenant la main ferme. La plupart des tours fonctionnent maintenant par la vapeur, ce qui rend le métier moins fatigant qu'au tour au pied qui demandait une double dépense de forces.
Repoussage : une opération qui consiste à recouvrir d'une feuille de cuivre une forme ou mandrin, suivant le modèle demandé. C'est une opération très délicate, très difficile, mais très intéressante. "

 

"Tourneur et repousseur : La tournure sur cuivre et le repoussage exigent un certain développement de forces. Donc, nous ne conseillons pas ces deux métiers à des enfants délicats ou chétifs. L'apprentissage est ici de trois ans. La première année devra être consacrée à l'outillage, au forgeage des outils et à l'étude de l'emmandrinage. C'est là un des points les plus délicats du métier.
Il est également indispensable que l'apprentissage soit fait sur un tour au pied, d'abord pour en connaître le maniement et ensuite, parce que le tour à la vapeur présente des dangers pour une main inexpérimentée.
Il est nécessaire de passer par les différentes spécialités de la tournure, si on veut devenir un ouvrier capable. L'ouvrier doit apprendre à grandir et a diminuer une moulure sans en altérer le profil et cette qualité, très utile pour le montage des porcelaines, se rencontre assez rarement.
L'éducation de l'œil est donc, dans toutes les branches de l'industrie du bronze, un point très important.
Rien n'est plus vite fait que de dénaturer complètement le caractère d'un profil et l'ouvrier doit apprendre à le voir et à le respecter. Un défaut à corriger modifie une pièce, et il faut savoir, à l'aide du marteau, ressortir la pièce s'il y a une rentrure dans l'épreuve et non pas amaigrir un profil pour enlever le défaut.
Pour confectionner exactement un mandrin, il faut une grande justesse de l'œil, une grande habitude dans le maniement du compas, car l'ouvrier doit reproduire fidèlement les profils qui lui sont confiés."

Maintenant comment faire le parallèle avec notre époque ?
Nous avons l'énorme chance d'avoir aujourd'hui aux USA, la maison EAST COST TINNING dirigé par Jim Hamann.
Et voici donc, mises en pratique (à peu de chose près), dans notre époque moderne, le savoir-faire de nos anciens. Et je précise que ceci n'est pas fait dans une feuille de cuivre de 1 ou 2mm mais dans un cuivre de 3mm. On comprendra que Jim pourrait très bien, avec le matériel qu'il possède, reproduire un pot en cuivre de type Schwabenland à l'identique. Tout comme il ne fait aucun doute qu'un tourneur-repousseur du 19eme siècle aurait également pu le faire :

C'est en lisant les textes du 19eme siècle et en regardant Jim et son équipe au travail qu'on comprend tout le sens des mots : artisan, savoir-faire, perpétuer la tradition.

Autre exemple :

Le Génie Industriel, Armengaud frères, 1864.

 

Emboutissage du pot :

 

"Machine à emboutir, opérée par une presse hydraulique. Le piston de la presse qui monte verticalement porte un mandrin sur lequel se pose la plaque en cuivre. Celle-ci a un diamètre supérieur à celui que doit avoir le fond de la casserole afin de pouvoir former les bords."

 

Je passe sur les détails techniques assez compliqués. En bref, le piston hydraulique va pousser le disque de cuivre et les techniques misent en œuvre permettent d'obtenir un pot avec un fond qui garde son épaisseur d'origine et des bords qui sont parfaitement lisses. Ces bords ne définissent pas la finalité de la hauteur du pot. Il y a encore un travail à faire.

 

"L'emboutissage terminé, la casserole subit un ou plusieurs recuits puis elle passe au tour qui la dresse et la polit. Le tour est muni d'un mandrin destiné à recevoir la casserole. Sur le banc de ce tour il y a un chariot qui peut aller et venir dans le sens longitudinal. Sur ce chariot il y a un autre support muni de deux galets qui peuvent se rapprocher ou s'éloigner à volonté l'un de l'autre pour comprimer la casserole des deux cotés à la fois. Ces galets étant amenés sur les bords de la casserole et mis en pression il suffit de les mouvoir longitudinalement pour étirer le métal. Grace à cette disposition, on peut amincir à volonté et allonger le milieu de la hausse de la casserole sans toucher au fond et au bord supérieur."

 

On peut obtenir par cette méthode, un pot en cuivre à fond épais, rebord de la base épais, milieu des cotés du pot plus fin et rebord supérieur plus épais.

 

Je m’arrête ici pour le moment. Mais il y a beaucoup d'autres choses à dire concernant ce sujet. D'autres techniques, d'autres façons de faire...

 

To all Copper Lovers !
Regards, T.J.

EMBOUTISSAGE, TRAVAIL AU TOUR REPOUSSAGE, POLISSAGE DES CASSEROLES ET MARMITES EN CUIVRE.

 

Cette page n'est pas mon travail complet concernant l'utilisation de l'emboutissage, le travail au tour et le polissage des pots en cuivre à partir du 19eme siècle. C'est uniquement un condensé que je vais présenter ici, dans "l'urgence". J'y reviendrai avec comme point de départ les années 1820 et beaucoup plus d'histoires et de détails quand j'aurai le temps.  


Pour commencer, il faut dire que le tour est une des premières machines utilisées par l'homme. Et certainement la plus importante.

Il serait très long et fastidieux de raconter l'histoire de cette machine incroyable qui a révolutionné tant de choses.
Je vais essayer de le faire sans être trop long et ennuyeux car il faudrait des pages et des pages pour en parler. Donner les détails techniques deviendrait vite ennuyeux pour beaucoup de gens.


Le tour a été utilisé depuis si longtemps qu'il serait imprudent de dire depuis quand !


Quoi qu'il en soit, il a été précieux pour le travail du bois, des poteries et ensuite des métaux.
Je ferais l'impasse sur la partie de l'histoire du tour à une époque où il était considéré comme un outil primordial pour la bonne éducation des gens aisés.

Louis XIV en étant un grand passionné et habile utilisateur. En son temps, les tours à guillocher permettaient de travailler le bois ou le métal.
Nous avons la chance de pouvoir, aujourd'hui en 2021, regarder ce que pouvait faire Louis XIV avec ce type de machine.

Et vous conviendrez que pour l'époque, fin des années 1700, c'était quelque chose de formidable ! Je pense que plus d'un parmi vous sera surpris par ceci :

31 aout 2021

Je reviens vers vous avec un complément concernant ce sujet.
Tout d'abord, je vais faire une explication de mots car je ne m'étais pas aperçu que les différentes traductions pouvaient être comprises différemment selon les langues française, anglaise, allemande.

Tournure : est le travail sur un tour. Peu importe que ce soit le travail du bois ou du métal. Le tour existe dans une multitude de versions pour une multitude de travaux.


Repoussage : consiste à repousser. Dans une première époque, le repoussage des métaux, en l'occurrence ce qui nous intéresse, le cuivre, se fait à la main. En utilisant un marteau, on frappe le cuivre. Si on frappe une plaque en cuivre avec un marteau, on peut repousser la matière. C'est-à-dire qu'on peut l'étaler, l'élargir, l'agrandir. Donc ainsi, lui donner une forme. C'est la forme primitive du repoussage.
Grâce à un tour repousseur, on peut réaliser le même travail avec plus de facilité, moins de fatigue, plus de rapidité.
Je pensais que 3 mots français différents, que Google traduit de la même façon en anglais, étaient compréhensibles une fois dans le contexte d'une phrase.
Mais Martin m'a fait réaliser que pas du tout !
Voici ces mots :
Estampillage, estampage, emboutissage. Que Google traduit en anglais par : Stamping.

 

Donc :

Estampillage : ce mot sera utilisé lorsqu'on désire marquer un objet, un peu comme un bijou. Le marquer pour donner des renseignements par exemple sur le fabricant, la société. Soit par des écritures en lettres (nom, adresse, ville, pays...), soit par un logo, un dessin.

 

Estampage : ce mot est plus compliqué à expliquer car il peut convenir à plusieurs types de travaux. En réalité, les travaux qu'il désigne aujourd'hui se trouvent entre "l'estampillage" et "l'emboutissage". C'est-à-dire qu'on peut utiliser ce mot dans le contexte de la finition d'objets finiment réaliser ou le traitement brut de grosses pièces de métal.
Mais au 19eme siècle il était utilisé pour définir la façon de donner une forme mécaniquement à un pot en cuivre (ou autres objets dans d'autres matières), aujourd'hui on utilisera plus facilement le mot "emboutissage".

 

Emboutissage : dans le domaine des pots en cuivre, ceci se fait à froid. Inutile de faire de long discours sur cette technique car les exemples sur internet sont nombreux et très faciles à comprendre.

 

Il y a également des mots anglais qui sont traduits "bizarrement" en français.
Exemple :
- Spinning lathe : Google le traduit en français par "tour à filer" ??????
- Metal spinning : Google le traduit en français par "filature de métal" ?????  
- Spinning : Google le traduit en français par "filage" ??????

Le filage des métaux en français n'a absolument rien à voir avec ce dont nous parlons.
Il faut éliminer ces mots du domaine des pots en cuivre : filer, filage, filature.

Pour faire plaisir à Martin (et à tous les amoureux des cuivre culinaires), j'ai fouillé encore un peu dans mes archives.

Ici, nous voyons un artisan (la photo semble dater des années 1970-1980). Il active seul le mécanisme que nous avons vu précédemment activer par 2 hommes chez East Cost Tinning. Je ne sais pas en quelle matière sont faits les disques qu'il repousse. Mais il semble qu'ils ont une épaisseur importante.

Ici, une autre photo plus récente qui montre que la technique et la force à appliquer doit être tout de même importante.

Aller, partons en balade dans le passé maintenant.

Voici une image très intéressante du 16eme siècle :

C'est très surprenant de voir ce travail de repoussage ! Évidemment, nous ne parlons pas de faire des pots en cuivre très épais ici ! Mais nous constatons, et c'est ce qui est le plus important, que le travail se fait avec une machine ! On voit un artisan qui active la machine pendant que l'autre réalise l'objet. Et il semble bien que ce travail ne se limite pas à une seule forme d'objets mais à une série de formes et de tailles très intéressantes.

Une autre découverte :
L'Art pour tous : Encyclopédie de l'art industriel et décoratif, M. Reiber, 1888.
"Les fonderies de la ville de Dinant (Belgique) étaient déjà célèbres au moyen-age et envoyaient leurs produits dans tous les pays voisins…ces objets obtenus soit par la fonte du cuivre et du laiton soit par repoussage....".

Le livre datant de 1888 nous montre certainement là une collection très ancienne. Les personnages ne sont clairement pas du 19ème siècle. Leurs vêtements montrent une époque très ancienne. L'auteur relie les personnages au 16ème et 17ème siècle. Ce qui est intéressant pour nous, ce sont les socles de certains chandeliers qui montrent clairement un travail de repoussage au tour. Une fois de plus, on imagine facilement que la matière travaillée ne devait pas être d'une épaisseur très importante. 

Maintenant partons sur des informations de 1876.
Arts et manufactures, M. Maigne, 1876.

 

Dans ce livre, on trouve également un descriptif du travail de repoussage à l'aide d'un tour.
Mais ce qui nous intéressera le plus, ce sont les machines à emboutir qu'il nous montre.
Voilà un livre très intéressant car on pourrait penser que ce qu'il montre est ce qui se fait en 1876. On pourrait penser qu'il n'existe rien d'autre et que tout doit encore être inventé. Ce qui peut tromper le lecteur !
En réalité, il nous explique des façons de faire qui datent de plusieurs décennies avant.
En 1876, les différentes emboutisseuses que nous allons voir existent, bien sûr, mais déjà dans les années 1820 elles commençaient à se transformer par l'ingéniosité des ingénieurs. Et puis très vite, la force vapeur et hydraulique sont venus améliorer tout ça.
Avec tout ce que j'ai pu lire sur le sujet, je peux vous garantir que ce livre a soit un énorme temps de retard sur son époque, soit il s'agit d'une édition de 1876 qui n'est pas la première de ce livre qui pourrait être beaucoup plus ancienne.

En bref, il a le mérite de nous montrer ce qui nous intéresse : les premières emboutisseuses mécaniques actionnées par la main de l'homme.
Un objet dans une feuille de cuivre relativement mince pourra être fait en une seule fois. Les machines agissant par pression ou par percussion devront reproduire plusieurs fois les opérations pour des cuivres plus épais. Sans oublier qu'il faudra certainement recuire le cuivre une ou plusieurs fois pour lui redonner de la malléabilité.
Ces emboutisseuses alliées aux tours repousseurs nous permettent tout de même de comprendre que ceci facilite grandement le travail de l'homme.
Je ne me lance pas dans l'explication du fonctionnement de ces emboutisseuses mais vous aurez compris qu'il s'agit de forcer une plaque de cuivre (ou autres fers) à prendre une forme prédéfinie pour en faire un pot culinaire (ou autres objets, bien évidemment).
Et je le répète, ces machines existent déjà en version beaucoup plus perfectionnées en 1876, par la force de la vapeur, de l'hydraulique.
Ce qui n'empêche pas des milliers d'artisans de toujours produire des pots en cuivre faits à la main au même moment dans tous les coins de France et d'ailleurs. Ils ne possèdent ni machines mécaniques actionnées à la main et encore moins des machines à vapeur !

Cette presse emboutisseuse se nomme : "Le Mouton".

Ce modèle se dit : "A Balancier".

Ce modèle se dit : "Presse à Genoux".

Maintenant, dans un autre livre, de 1867, soit quelques années avant le livre vu ci-dessus, nous allons voir que le discours est différent.
La seule lecture des informations de 1876 est très trompeuse car elle ne laisse pas de place pour les choses plus modernes déjà bien présentes à cette époque.
Ce qui fait qu'on pourrait supposer qu'elles n'existent pas ! C'est faux, comme nous allons le voir maintenant.

Études sur l'Exposition de 1867 ou Les archives de l'Industrie au XIXe siècle, E. LACROIX :

 

"Jusqu'au siècle dernier (donc 18eme siècle), l'art du repoussage des métaux progresse et se perfectionne, au point de vue de la rapidité et de l'économie, dès qu'il peut s'appuyer sur l'emboutissage, qui lui permet de gagner du temps et de produire plus exactement et plus rapidement."

 

"De nos jours (donc 1867), l'emboutissage s'est perfectionné en s'appuyant sur des procédés mécaniques susceptibles de compléter et favoriser le travail à la main. Balanciers, découpoirs, engins de compression ou de percussions puissant mus par la main de l'homme ou par la vapeur. Tels sont les moyens modernes employés pour agir sur des matrices en fer ou en acier qui forcent le métal rebelle à prendre les formes diverses qu'on veut lui donner."

 

Les écrits concernant le repoussage du cuivre de cette époque parlent souvent en termes d'art. C'est-à-dire, la fabrication des objets qui servent par exemple à la décoration. On décrira donc souvent des objets repoussés avec des détails de formes, d'angles, de ciselures, de motifs, de dessins gravés, etc..
C'est important de comprendre que "QUI PEUT LE PLUS, PEUT LE MOINS" !
Il n'y aurait rien de passionnant à décrire la fabrication d'un simple pot en cuivre pour cuisiner !
Tandis que décrire un bel objet qui comprend un travail de repoussage ainsi que des dessins gravés, ciselés avec des courbes et des formes magnifiques est tout de même plus plaisant !
Donc, si un habile artisan est capable de faire de si beaux objets, il peut encore plus facilement faire un simple pot culinaire !
Et si on se réfère à l'image des repousseurs du 16eme siècle que nous avons plus haut, on reste presque certain que ceci est faisable avec la technique du repoussage mais très certainement avec des épaisseurs plutôt faibles. Au 16ème siècle, je suis d'accord. Au 17ème et 18ème, très certainement.

 

Mais au 19ème siècle :


"Les métaux qu'utilise la technique du repoussage sont de préférences le cuivre et le plomb...Les métaux pouvant être soumis au repoussage ou à l'emboutissage doivent être nécessairement de première qualité et être passé au laminage. On les emploie à l'épaisseur de 1 à 4mm. Et rarement en-dessous ou au-dessus de ces limites."

 

On sait maintenant que si la priorité était certainement donnée au repoussage des métaux relativement fins, c'était tout à fait possible d'exécuter certains travaux dans des métaux plus épais !
Et si les explications sont souvent données pour le travail d'objets d'art comprenant des aspects et formes assez complexes dans un métal fin, on sait maintenant qu'un travail plus simple pouvait très certainement se faire dans un métal plus épais. Et pourquoi pas une simple casserole de 2, 2.5, 3mm d'épaisseur ? Quelle serait la difficulté de fabriquer une simple casserole avec cette méthode ? L'article se termine en disant que l'auteur est heureux d'avoir décrit le travail du repoussage qu'il considère comme un art industriel tout simplement ignoré !

On ne s'étonnera donc pas d'avoir de grandes difficultés à rassembler des renseignements en 2021 !  

Je vais maintenant parler rapidement d'un sujet qui peut intriguer et laisser perplexe certaines personnes. Nous savons que les machines hydrauliques et à vapeur ont été utilisées dans beaucoup de domaines au 19ème siècle.
Mais il reste assez complexe et difficile de parler de la puissance d'une machine précise (comme par exemple d'une emboutisseuse ou un tour).
On est donc en droit de se demander de quoi étaient capables ces machines et si vraiment elles fournissaient une puissance suffisante pour réaliser de grands travaux.

Heureusement, nous avons des données pour les machines à vapeur, celles qui produisent l'énergie qui vont faire fonctionner certaines emboutisseuses ou tours.

Les possibilités pour un atelier ou une usine étaient diverses. De la petite chaudière à la plus grosse. D'une seule chaudière à plusieurs pour additionner les forces.

 

En premier, voyons ces renseignements sur les fonderies.
Les fonderies sont des usines où on fait fondre le métal pour le transformer en pièces diverses, petites comme par exemple des robinets ou énormes pour de grosses machines industrielles.

 

Manuel du fondeur sur métaux, J. B. LAUNAY, 1827.
"La fonderie du Creusot et celle de M. Perrier à Paris, peuvent être mises au premier rang... On a coulé des pièces énormes par leur volume et par leur poids, tels que des cylindres à vapeur, de la force de 120 chevaux (chevaux vapeur) et plus..."

On voit donc bien que déjà en 1827, les machines à vapeur n'étaient pas uniquement des petits engins.


Maintenant, voyons ce qui se dit pour 1846 :
Manuel du chaudronnier, C. E. JULIEN et Oscar VALERIO, 1846.

"les machines à vapeur et les chaudières à vapeur, tant à haute pression qu'à basse pression, qui sont employées partout ailleurs que dans l'intérieur des mines, ne pourront être établies qu'en vertu d'une autorisation délivrée par le préfet du département. Conformément à ce qui est prescrit par le décret du 15 octobre 1810..."


"...M. BOURDON a appliqué cette disposition à la machine du puits MANBY de la force de 250 chevaux (chevaux vapeur) et à celle de la forge, de la force de 120 chevaux (chevaux vapeur)..."

 

Et dans ce livre on trouve un tableau tout à fait intéressant puisqu'il indique les diamètres de tuyaux qu'il faut utiliser pour les systèmes à vapeur (en fonction du type de chaudières et de la puissance).
Et nous pouvons constater qu'une puissance de 500 chevaux (chevaux vapeur) est indiquée.

Maintenant, nous pouvons parler de l'usine BI-METAL à Joinville au début des années 1890 qui était spécialisée dans la fabrication de fil électrique. Mais qui avait également une branche pour la fabrication de casseroles en cuivre avec intérieur en argent. L'usine de Joinville était équipée d'un système vapeur développant 200 chevaux (chevaux vapeur).

A présent, si nous allons regarder des machines modernes, nous pouvons trouver des emboutisseuses ou des presses qui développent comme ici, une machine qui pèse 80 tonnes, 75kw de puissance pouvant exercer une pression de 1000 tonnes. Soit l'équivalent d'environ 100 chevaux (chevaux vapeur) :

Ici, une presse qui pèse 80 tonnes également, dont la puissance est de 22kw et elle peut exercer une pression de 250 tonnes, soit l'équivalent d'environ 30 chevaux (chevaux vapeur) :  

Évidemment, ce sont loin d'être les machines les plus puissantes actuellement. Mais ceci nous donne une idée de ce que 120, 200...500 chevaux (chevaux vapeur) pouvaient permettre au 19ème siècle.

Pour finaliser, beaucoup devront comprendre après lecture de cette page que contrairement aux idées fixes qu'ils ont pu croire pendant longtemps, ils se sont trompés.

 

Ils se sont trompés en pensant que tous nos anciens chaudronniers du 19ème siècle travaillaient un peu comme à l'âge de pierre. Avec uniquement un marteau à la main et leur bonne volonté.

 

Ma passion des cuivres culinaires, que je partage depuis des années et des années avec tant d'autres à travers le monde, par l'intermédiaire de sites internet, de messages privés, de forums, reste toujours aussi vive.


Mais malgré ma volonté de vouloir expliquer tout ce que vous venez de lire, je constate que beaucoup préfèrent ignorer la réalité pour se simplifier la vie.

Je pense surtout aux nombreux vendeurs de cuivres culinaires anciens qui racontent tout et n'importe quoi.

Combien d'annonces stipulant un pot en cuivre du 18ème, 17ème siècle ?

Combien d'acheteurs convaincus d'avoir acheté une véritable casserole antique de 250 ans ? Combien de fois doit-on lire que ce pot en cuivre en "queue d'aronde" est obligatoirement d'avant 1900 et que ce pot fabriqué par une emboutisseuse est obligatoirement d'après 1900 ?

Combien d'acheteurs expliquant fièrement à leur famille qu'ils ont cuisiné le repas dans un pot en cuivre qu’ils viennent d'acquérir, un pot de 200 ans !

Mais non voyons, il a peut-être été fabriqué en 1920 !

 

Malgré tout ceci, n'oublions pas le principal. Le plaisir de cuisiner dans un pot en cuivre, bien fait, parfait dans sa conception pour réaliser de bons repas.

En secondaire, on pourra essayer de mieux connaître ce pot, son histoire, sa fabrication, son époque.

Mais ceci est parfois plus difficile qu'on pourrait l'imaginer. Ce qui laisse une part à l'imagination, le rêve, l'évasion de l'esprit qui peut aller se promener à travers les époques passées.


La chose primordiale de tout ceci est que vous devez comprendre qu'il est tout à fait possible de trouver, par exemple, sur les étagères de la maison Dehillerin en 1910 :

- Un pot en cuivre, fabriqué entièrement à la main en une seule pièce.
- Un pot en cuivre, fabriqué entièrement à la main en plusieurs pièces, assemblé à la soudure forte par "queue d'aronde".
- Un pot en cuivre, fabriqué entièrement au tour à repousser en une seule pièce présentant les traces du travail sur un tour ou sans traces.
- Un pot en cuivre, fabriqué entièrement par une emboutisseuse.
- Un pot en cuivre, d'abord emboutit et finit par un tour à repousser.
etc...
Autrement dit, parfois la main de l'homme, parfois la machine + la main de l'homme, parfois la machine seule.
Et tous ces pots, fabriqués au même moment par une multitudes d'artisans, d'industriels à des endroits différents avec des moyens matériels et financiers différents, peuvent être contemporains les uns des autres.

 

Donc non, je le répète, il n'y a pas de frontières, pas de limites nettes et franches dans le temps pour déterminer avec une certitude absolue que tel ou tel pot en cuivre a été fabriqué à telle ou telle époque concernant la période dont nous parlons ici.
D'autres éléments, en plus du pot en lui-même, peuvent aider à déterminer ceci. Un estampillage, des rivets, une poignée ou encore d'autres types de renseignements.
En essayant d'écarter, bien évidemment, l'argument numéro 1 des vendeurs particuliers :
"Ces casseroles ont appartenu à ma grand-mère !".
Alors si vous tombez sur cette charmante dame de 80 ans, qui vous dit ceci en vous présentant des casseroles Mauviel avec intérieur inox, il n'y a plus aucun doute !
Sa grand-mère connaissait déjà bien avant tout le monde le voyage dans le temps ! 

 
Donc, pas de révolution industrielle qui est venue tout bouleverser du jour au lendemain pour les casseroles en cuivre.

Quand on parle de pots en cuivre, entre la seconde partie du 19ème siècle et le début du 20eme, il est donc préférable d'éviter certains raccourcis.

 

La révolution industrielle (toujours en parlant des cuivres culinaires) de cette époque montre uniquement le début de quelque chose et il serait faux de généraliser ce début pour tout le monde et partout.


Je le dis à nouveau, si aujourd'hui les révolutions technologiques se propagent à la vitesse de la lumière partout dans le monde, il ne faut pas croire que dans le passé c'était pareil.
Si aujourd'hui je vous envoie un pot en cuivre de Paris à New-York, vous pourrez le recevoir en 48 heures.
En 1850, il fallait plusieurs semaines de voyage pour livrer des pots en cuivre d'Auvergne à Paris ! Il en était de même pour tout le reste, lentement, très lentement...

 

To all Copper Lovers !
Regards, T.J.   

04 septembre 2021

Cette vidéo est très intéressante car elle montre une multitude de petites machines, de techniques et d'outillages.
On peut ainsi voir une des façons de travailler de milliers de nos anciens ouvriers et artisans, ici, en France (et ailleurs évidemment). Ici, ce n'est pas du cuivre, mais le travail pouvait se faire exactement de la même façon avec le même matériel pour une bouilloire encuivre.
En bonus, vous pouvez voir la partie émaillage qui me rappellema jeunesse puisque j'ai travaillé chez Sholtés à Thionville France où nous faisions la même chose pour les moufles de four.  


Mettons de côté les "anomalies", nombreuses,concernant le travail et la sécurité dans cette vidéo. Elle nous offre la possibilité de voir comment on faisait autrefois et c'est déjà une énorme chance.

- Traçage des disques dans une grande feuille de métal.
- Premier découpage manuel des disques. A un moment, sur la droite de l'écran, vous pouvez voir le rouleau de métal laminé.
- Petite découpeuse mécanique pour finir de découper les disques en rond.
- Petite emboutisseuse qui va pré-former les disques.
- Partie très intéressante, travail sur le tour. Vous allez découvrir comment on forme un pot avec une base et un corps beaucoup plus gros que l'ouverture supérieure.
- Petite machine pour percer par pression l'ouverture où sera fixé le bec.
- Brasure du bec.
- Petite plieuse manuelle.
- Autre petite machine à applatir.
- Autre petite plieuse manuelle pour la poignée de labouilloire.
- Formage au marteau de la poignée.
- Poste à souder par point électrique. Soudure de la poignée. Tout en sachant que sur le cuivre, on aurait pu avoir des rivets ou de la brasure.
- Travail au tour pour les couvercles.
- Petite machine à pression pour découper les pattes defixation du couvercle.
- Pliage à la main et à l'aide d'un petit système D de la patte de fixation du couvercle.
- Soudure électrique par point de la patte de fixation du couvercle.

Ensuite vient le processus d'émaillage.
Décapage des bouilloires et des couvercles.
Trempage dans l'émail liquide.
Séchage.
Mise au four et cuisson.
Assemblage de la bouilloire et du couvercle.
Emballage.

Les artisans et industriels français ont fabriqué par millions ces bouilloires, casseroles, marmites et autres en tôle émaillée. Ces produits ont eu un énorme succès pour plusieurs raisons. On pouvait les recevoir sous toutes sortes de couleurs ou motifs fleuris. Ce qui donnait un ensemble homogène et très joli dans la cuisine.

La facilité, la rapidité de fabrication, le prix modique des matières premières ont permis de proposer des prix de vente incroyables. Difficile pour les ménages les moins aisés de passer à côté de telles offres !

Au début des années 1900, pour le même prix qu'une casserole en cuivre extra-forte de 30cm (30 francs), vous pouviez avoir une batterie de cuisine émaillée complète dans une jolie caisse en bois.
Comprenant :
- 5 casseroles de 12 à 20cm.
- 3 couvercles.
- 1 bassine de 35cm.
- 1 cuillère à pot.
- 1 écumoire.
- 1 cuillère à arroser.
- 1 passoire de 18cm.- 1 plat ovale de 30cm.
- 1 plat rond de 22cm.
- 1 faitout de 24cm.
- 1 marmite de 22cm.
- 1 bouillotte de 1 litre.
- 1 cafetière.
- 1 plat à crème de 26cm.

Alors évidemment, on est loin de pouvoir réaliser de la grande cuisine avec cette matière !
Je dirais même que c'est peut-être la pire matière pour cuisiner !
A partir du moment où on chauffe quelque chose contenant beaucoup d'eau, ça va.
Mais c'est une catastrophe pour beaucoup de types de cuissons !  

Ce qui n'a pas empêché cette matière d'obtenir un succès incroyable pendant des décennies auprès des foyers français ! Et bien sûr, aucun reproche n'est à faire car chacun fait comme il peut en fonction de son budget.

On trouve depuis quelques années beaucoup de pot et accessoires culinaires en tôle émaillée. Mais c'est davantage dans l'esprit vintage et décoration que pour la cuisine.

Mes souvenirs me ramènent dans les années 1970 où nous avions aussi des accessoires en tôle émaillée à la maison.
6 enfants et chacun son assiette et son verre de couleur rouge vif avec des points blancs !
Sans compter, évidemment, le même design pour les casseroles, passoire et autres dans le placard.
Pour les grands repas et les invités, le service de porcelaine dans le buffet de la salle à manger.
Mais finalement, pour les sauvages que nous étions, il était préférable de nous donner du matériel en métal chaque jour plutôt que de la porcelaine !

 

To all Copper Lovers !

Regards, T.J.